Trois facteurs ont contribué à la construction, dès 1525, d'une forge entre Signy et Lalobbe : la présence de minerai de fer, de l'eau (la Vaux) et de combustible (le bois de la forêt de
Signy).
Cette forge a appartenu aux moines de l'Abbaye de Signy, jusqu'à la Révolution de 1789.
Un maître de forges particulièrement connu, Gérard COULON, dans la seconde moitié du 17ème siècle, a dirigé le Hurtault. Il a été « l'auteur des tuyaux de fer pour la conduite des eaux en nostre
château de Versailles » (commande passée en 1685 : 23 000 toises (45 km) de tuyaux de fonte).
Les maîtres de forges étaient les gros industriels de l'époque. Le Hurtault était spécialisé dans la fabrication des taques de cheminée, des tuyaux pour les conduites d'eau de Charleville,
et des munitions pour l'artillerie.
Mi-18ème siècle, un fourneau pouvait produire 800 000 livres de fontes pour l'artillerie par an. Il y avait deux fourneaux qui fonctionnaient en alternance. Les fontes produites ne pouvaient «
faire de fer forgé ».
Les forges étaient le gagne-pain de bien des gens du pays. Les ouvriers employés à la fabrication des munitions étaient exempts de la milice et des corvées.
Les voituriers de Signy, Lalobbe, Wasigny, Chaumont, Sery, villages voisins, transportaient les fontes par terre jusqu'à Pontavert où on les embarquait pour Paris. Les boulets allaient jusqu'à
Brest et Rochefort.
Les voituriers, ou beutiers, allaient chercher le charbon dans les forêts jusqu'à Froidmont. Le charbon était placé dans d'immenses paniers ou bennes (prononcé banne), déchargé dans la halle à la
charpente en châtaignier.
D'après « les chroniques » de Jean Taté, le feu prit au charbon en 1673 et brûla cette halle, toutes les étables et la grange pleine de foin. Les charbonniers couvrirent la halle de terre, qui était pleine de charbon embrasé, comme une faude, ainsi le charbon fut sauvé, et la maison du maître de forges épargnée.
Grange à charbon inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
Le minerai venait d'Angeniville (près de Lalobbe) -un lieu-dit porte le nom de « Fontaine de Minière »- et de Neuvizy. Il était transporté à dos d'ânes ou de mulets par le chemin des Mineurs (route forestière actuellement) qui passe à proximité de Viel Saint Rémy, de Dommery, de l'Arquebuserie. Il sort de la forêt par une pente raide.
« En arrivant là, les muletiers découvraient le Hurtault tout proche, dans une cuvette formée par les collines, semblable à ces forges mystérieuses et fantastiques que les légendes placent au
fond des bois. »
Le minerai était lavé sur place. Henri Manceau dans « Gens et Métiers d'Autrefois » rend hommage aux laveurs de minerai en décrivant la pénibilité de leur travail qui se faisait à partir de
novembre dans le froid, l'humidité.
En 1791, les forges furent vendues comme bien national. Elles travaillèrent pour l'armée jusqu'en 1840 en produisant des boulets de canon.
En 1812, elles consommaient 2400 tonnes de minerai (venant de Viel Saint Rémy, de Wagnon, de la Cour-Avril) et 24 000 stères de bois. La production était de 900 tonnes de fonte par an.
Le Hurtault fonctionnera jusqu'en 1883, en utilisant toujours le bois, alors que les hauts fourneaux fonctionnaient au coke depuis plusieurs années.
« Ainsi du 16ème au 19ème siècle, l'usine du Hurtault est parfaitement représentative de la métallurgie classique. Créée par les religieux de Signy pour la mise en valeur de leur domaine, elle est étroitement liée aux richesses du territoire : force hydraulique, minerai et vastes forêts. L'affermage de ces richesses permet l'émergence des familles bourgeoises de maîtres de forges qu'illustrent brillamment ici les Regnesson, Coulon ou Raux. La qualité de leurs fontes de moulage et la situation frontalière du département leur assurent un développement. »
Les forges ont employé jusqu'à 800 ouvriers venant essentiellement de Lalobbe et des hameaux du Grand et du Petit Courmont et du Faurigault.
Site des forges du Hurtault sur le cadastre « napoléonien» (1826)
Descriptif de Louis André
« Le site s'étend le long du chemin descendant du Petit Courmont au Hurtault vers le pont des moines.
A l'est du chemin : granges de stockage du charbon de bois, puis habitation du maître des forges, chapelle St-Jean Baptiste, jardins et viviers au niveau de la Vaux.
A l'ouest du chemin : écuries à mulets à la croisée des chemins, puis zone de stockage du minerai, du lavage, les deux hauts fourneaux marchant en alternance, la ventilerie, la zone de stockage
du fer et enfin la forge au niveau de la ricière.
La « radière » ou canal de fuite rejette ses eaux usées en aval dans la Vaux. ».
Les informations relatives au Hurtault sont extraites de :
« Signy l'Abbaye et Guillaume de Saint-Thierry » par l'Association des Amis de l'Abbaye de Signy et « Histoire de l'Abbaye de Signy » par Joseph Mathy